Les conversions à l’islam en France
Le phénomène toucherait 3 600 personnes par an en France. À côté d’une séduction intellectuelle et spirituelle, c’est dans les banlieues que ces conversions sont les plus fréquentes. A lire, et à méditer,
Jean Gouraud a embrassé l’islam il y a huit ans. Il avait 18 ans. « J’étais de culture catholique, mais j’avais arrêté de pratiquer », raconte ce jeune homme de la région parisienne, âgé aujourd’hui de 26 ans. Arrêt de la pratique catholique, mais poursuite de la quête spirituelle avec « beaucoup d’amis musulmans que je fréquentais », explique-t-il.
Une première approche de l’islam, prolongée et nourrie par des lectures et de rencontres avec des musulmans… convertis de la première génération, il y a une vingtaine d’années. « C’est avec eux que j’ai pu avancer », explique-t-il. Et embrasser définitivement l’islam, en prononçant la chahada, la profession de foi islamique tirée du Coran : « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre divinité que Dieu et que Mohammed est Son Envoyé. »
Comme Jean il y a huit ans, prénommé désormais Abd Al Wadoud, ils seraient aujourd’hui une dizaine par jour à se convertir à l’islam en France, « selon les remontées que nous font les responsables associatifs musulmans », signale Didier Leschi, chef du bureau des cultes au ministère de l’Intérieur. Soit 3 600 convertis par an environ.
Entre 30 000 et 70 000 convertis à l’islam en France
Combien sont-ils aujourd’hui en estimation cumulée ? Difficile à dire, mais des chiffres circulent. Évaluation basse : 30 000. Haute : 70 000. « Il y a toujours eu des conversions à l’islam, » rappelle Didier Leschi.
Il y a vingt ans, en effet, la grosse majorité des convertis français issus de la culture judéo-chrétienne passaient par le soufisme, au terme d’une quête spirituelle dans le sillage notamment d’un René Guénon, qui a joué un rôle spirituel très important dans les conversions à l’islam après-guerre.
Aujourd’hui, les convertis découvrent de plus en plus l’islam dans le cadre d’une proximité vécue avec celui des banlieues. Et, contrairement à Jean « Abd Al Wadoud » Gouraud, plutôt dans la lignée des convertis de la première génération, un nombre croissant optent pour un islam de Ahlou sounna wal jamaa.
Conversion de proximité
La conversion de proximité : un phénomène déjà décrit par la sociologue Fatiha Ajbli, membre de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), auteur d’un mémoire de DEA sur la conversion dans le Nord, département où certains jeunes non musulmans côtoient l’islam au quotidien à l’école.
Un phénomène que constate aussi Éric « Younès » Geoffroy, islamologue à l’université Marc-Bloch de Strasbourg. Lui s’est converti en 1984 via le soufisme (que nous regrettons ! NdR), après une quête spirituelle « de longue haleine » le faisant passer par le catholicisme – sa religion d’origine –, la pratique zen, le bouddhisme, le christianisme orthodoxe, puis l’islam.
« Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, la plupart des conversions étaient comparables à la mienne et passaient par un intérêt spirituel, explique l’universitaire alsacien. Ce qui est nouveau, ce sont les conversions de proximité, dans les cités, où des jeunes Européens, pas toujours “français” d’origine, côtoient des musulmans. Ce sont des conversions plus simples que la mienne. »
Loïc Le Pape, doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales de Marseille, a étudié certains cas de conversions à l’islam, sur les secteurs de Strasbourg et Marseille.
Il distingue pour sa part trois types de convertis aujourd'hui : « Un tiers sont des convertis mystiques à l’issue d’une quête spirituelle, un tiers le sont par proximité avec des musulmans, notamment dans les banlieues, et un autre tiers sont des convertis par le mariage avec un conjoint musulman », constate-t-il. Car même si un musulman peut se marier avec une adepte d’une autre religion monothéiste, une musulmane doit épouser un coreligionnaire.
Des sportifs convertis à l’islam
Franck Ribéry. À 23 ans, le footballeur professionnel du club de Bayern de Munich est membre de l’équipe de France. Il a grandi à Boulogne-sur-Mer, où certains de ses copains étaient musulmans. Issu d’une famille modeste et marié avec Wahiba, d’origine algérienne. Il s’est converti durant son adolescence et prie sur les terrains avant les matchs. « Cette religion, c’est moi qui l’ai choisie. C’est aussi elle qui me donne de la force », a-t-il expliqué au mois de juin dans Paris Match.
Nicolas Anelka. À 27 ans, le footballeur joue actuellement en Angleterre. Il a grandi à Trappes, en région parisienne. Ses parents sont venus de Martinique et travaillaient pour l’éducation nationale. Il se serait converti vers 16 ans, alors qu’il était stagiaire au PSG. Il ne parle pas ou peu de religion dans ses interviews, sauf dans un entretien dans L’Équipe magazine, en avril 2005 : « Je vis ma religion sereinement, sans prosélytisme. »
Philippe Troussier. L’ex-footballeur professionnel de 51 ans a entraîné notamment le Nigeria et l’Olympique de Marseille. Il vit au Maroc depuis une dizaine d’années, et s’est converti au printemps, avec sa femme. Il a expliqué dans L’Équipe magazine du 8 avril 2006 que sa conversion correspondait à un « long cheminement ». Par ailleurs, d’après lui, sa conversion va lui permettre de faire des trois petites filles qu’il a adoptées au Maroc ses héritières, tout en les élevant dans leur culture.
Tariq Abdul-Wahad (ex-Olivier Saint-Jean). Le basketteur de 31 ans est le premier Français à avoir joué en NBA, en 1997. Il est né à Maisons-Alfort, en banlieue parisienne, de parents venus de Guyane. Il s’est converti en 1997, aux États-Unis, où il jouait pour l’université de San Jose et où il a rencontré un musulman dont la force de caractère et la générosité l’ont poussé à vouloir en savoir plus. Il arbore sa religion et en est fier. Il est marié avec une Française d’origine marocaine, Khadija, qui est vêtue du voile islamique ma cha Allah. Ils ont trois enfants.
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